Saison 2016-2017 : Mission Madagascar

Dernière mission de l’année 2016 avec un « ancien » et trois petites nouvelles à Ambanja.

Arrivée à Nosy Bé le samedi 3 décembre avec Air Austral. Léger retard alors qu’Air Madagascar est pour une fois à l’heure et Honorette arrive de Tananarive pratiquement avec nous. Accueil souriant et enthousiaste de Jéromine. Nestor le taxi qui nous accompagnera sur l’île. Installation pour une nuit au Nosy Lodge et repas communautaire. On retrouvera le Nosy Lodge, très calme sur la plage d’Ambondrona, pour le retour sur l’île.

Passage sur la grande île par le bateau le dimanche matin sous le soleil. Installation. Pas assez de chambres à la Clinique Saint Damien, car présence de jeunes médecins espagnols au demeurant sympathiques mais qui semblent un peu trop s’incruster aux yeux de Jéromine. Chantal et Jean-Claude choisiront élégamment de dormir au Méridien pendant la semaine. Un poil moins chic qu’au Hilton ! (filet d’eau, coupures très fréquentes d’électricité et quand le groupe électrogène se met en route on a l’impression qu’un tracteur pénètre dans la chambre et y reste, voisins bruyants, pas de wifi…) mais c’est une option tout à fait acceptable et il a l’avantage d’être près de la clinique et permet de faire un bout de chemin avec la population, d’acheter samoussas et bananes grillées qui viennent compléter avec bonheur les repas préparés par Yvette et les délicieux jus de fruits élaborés par Honorette. C’est la pleine époque des litchis, des ananas, des mangues, des corossols, ce serait idiot de s’en priver n’est-ce pas ?

 

TRAVAIL MEDICAL

Geneviève et Martine se partageront le travail sans discontinuer pendant toute la semaine. Sans aucun doute plus de 300 à 400 patients. Elles commençaient à s’affairer dés après nos post-op jusque tard le soir.

L’utilisation en continu des deux LAF a permis de « vraies »consultations complètes : réfraction, ordonnances de lunettes, conseils et traitements adaptés à ce que l’on a sur place. Pathologie variée et parfois déroutante comme ce jeune homme aveugle après avoir subi lors d’une bagarre une pression digitale sur les yeux aboutissant à une phtyse bilatérale. Il reste des collyres, mais les classiques antibio-corticoïdes et les mouillants pour faire plaisir sont requis.

La très bonne surprise a été pour elles de travailler avec Josea, jeune et charmante médecin qui n’a pas encore fait son choix définitif entre la gynéco-obstétrique et l’ophtalmologie. Geneviève a pris beaucoup de temps à lui enseigner les rudiments d’examen (LAF, tyndall, pression oculaire, FO…). Elle est calme, posée, à l’écoute et très demandeuse d’explications, jamais fatiguée. Bref, ce serait une excellente chose qu’elle choisisse l’ophtalmologie ! Jéromine essaiera de la diriger du bon côté et elle pourrait être un atout dans le recrutement des malades, la surveillance des opérés. Et pourquoi  ne pas lui apprendre à opérer ?

 

Ce choix contractuel avec la clinique,  valorisant pour elle,  pourrait permettre de mettre fin aux postes précaires comme ceux de Natacha ou Alida pour ceux qui les ont connues.

 

TRAVAIL AU BLOC

La salle est un peu encombrée par les cartons, mais on peut travailler à deux sans problème. Nous avons fait connaissance avec Solange, chef de bloc et chirurgienne généraliste. Nous avons pu échanger quelques conversations. Elle est bien entendu très favorable à notre venue, prête à rendre service, mais fait part aussi de ses difficultés de chef de bloc (comme partout).

Honorette et Jean-Claude se sont partagés le travail au bloc, Soa et Rosette aidant en priorité Honorette et Chantal m’aidant, main toujours active et efficace jamais véritablement surprise, dans cette première mission humanitaire, par les différences entre Ambanja et la Clinique du Val de Saône !

Notre semaine a coïncidé avec une semaine de mission chirurgicale (par qui ? on n’en saura pas plus) effectuée à l’Hôpital Public. Cela a peut-être contribué à un afflux un peu moindre de patients, mais on n’aurait pas pu opérer beaucoup plus. La mission hospitalière laissera peut-être du matériel à Honorette comme cela s’est fait antérieurement.

Anesthésie péribulbaire parfois de qualité mais parfois  inefficace. Quelques anesthésies générales effectuées sans discuter et sans problème par un sympathique anesthésiste retraité de l’Hôpital Public.

Honorette vous a fait le rapport journalier des opérations réalisées. En gros 80 malades, la plupart des cataractes totales dont quelques yeux uniques et quelques opérations combinées. Un éclatement total du globe après bagarre (ça ne rigole pas quand on se bagarre à Ambanja !), une mignonne petite fille porteuse d’un entropion congénital entrainant un ulcère, toute souriante et que l’on n’a jamais entendue pleurer, une énorme tumeur noire exophytique propagée à la paupière que je ferai analyser à Mâcon, une paralysie du VI…

Aucune complication majeure. A signaler seulement une malade totalement indocile avec poussée vitréenne et CA plate+++ qui n’a pas été implantée et une expulsion de tout le sac en même temps que le noyau qui a conduit à un ICA. Ce malade avait été implanté il y a deux ans sur l’autre œil et l’implant est maintenant luxé, ce qui prouve la fragilité zonulaire.

La stérilisation. Honorette utilise la stérilisation à l’alcool pendant 10 minutes entre deux interventions, avec rinçage dans le sérum et elle dit ne pas avoir particulièrement d’infection post-opératoire. Nous n’en avons pas eu. Les tunisiens que je connais et qui opèrent au Burkina Faso avec une grande dextérité font la même chose en trempant dans la Bétadine. Ce n’est pas académique, mais si l’on n’a que ça sous la main… Et finalement, tout se passe bien.  Chaque malade avait de la Céfuroxime en fin d’intervention.

 

 

Les microscopes. Le plus récent et sophistiqué n’éclaire que si le bouton est tourné à fond dans le rouge, sans variation possible. Les deux lampes éclairent. Il nous a fait faux bond le mercredi matin. L’électricien de la Clinique a bricolé le microscope toute la journée et il était marri de nous dire le soir qu’il avait rendu l’âme.

Et le jeudi matin, le microscope s’est rallumé. Miracle nocturne comme était prêt à le penser notre sympathique électricien ? Burn-out du microscope après deux journées de travail intense ? Nul ne le saura, mais je ne suis pas certain qu’il fasse de vieux os. Heureusement, l’OPMI 6 est toujours vaillant.

La méthode opératoire. Bien sûr, ce serait formidable de ne faire que des phacos, mais il faut avouer que cela demande du matériel, du visqueux à profusion, et la plupart des cataractes sont blanches, totales et dures, beaucoup plus souvent qu’au Cambodge. Par exemple, si celui qui avait une zonule fragile (sans luxation visible) avait eu une phaco, je suis certain que le noyau serait parti avec le sac dans le vitré.

Avec Honorette, nous avons donc opté pour opérer toutes les cataractes en phaco dite alternative par incision cornéo-sclérale tunellisée. Nous n’avons utilisé qu’un seul fil 10/0 pendant la semaine. Mise en place d’un ICP PMMA australien de qualité, fourni par la clinique, de 20 dioptries.

Utilisation de visqueux pour l’expulsion, avec ou sans aiguille Vectis. J’ai fait des cataractes avec MCA (mainteneur de chambre antérieure), parfois de façon extrêmement facile et parfois avec plus de difficulté ; il faut certainement avoir une plus grande pratique pour être totalement à l’aise avec le MCA. Il ne fait aucun doute que l’extra tunellisée enterre définitivement l’extra cornéenne. Honorette qui opère remarquablement l’a définitivement adoptée.

Le matériel et les consommables. Il y a beaucoup de choses et Honorette fait un inventaire complet qu’elle communique à chaque fin de mission. Chantal a fait du rangement. Si l’on fait des phacos, il manque des pliables standards. On a apporté trois chambres-tests. Si l’on fait des extra, il ne faut que des couteaux crescent en nombre suffisant et du visqueux. Il y a quelques MCA. Pinces, Vectis et autres bons instruments sont toujours les bienvenus.

 

La semaine est passée vite. Retour sur Nossy Bé le samedi, après un tour dans la plantation Millot. Nestor le taxi. Nosy Lodge et avion le mardi pour Paris via St Denis avec à la clé des bagages en retard. Au moment où j’écris, Geneviève n’a toujours pas récupéré le sien. Pas très bon signe.

 

Quelques réflexions, conseils…

-« Honorette, elle est très chouette, et Jéromine elle est divine » (chanson de Nino Ferrer). Incontournables par leurs qualités humaines et leur dévouement. On ajoute Josea à la liste. Solange dans une moindre mesure car elle n’était pas souvent avec nous, très prise par son activité chirurgicale.

– Petits dérangements intestinaux alternatifs mais rien de sérieux. Par contre, en rentrant nous avons tous eu des boutons disséminés sur le corps avec prurit intense, rien à voir avec des moustiques. Et ce n’est pas terminé. Geneviève, fine séméiologiste qui en a vu d’autres, parle d’une forme amoindrie de Ciguatera (voir le dictionnaire). C’est sans doute vrai car nous avons dégusté avant de partir une magnifique et délicieuse carangue qui, la traîtresse, cachait sa véritable nature. Que ceux qui iront là-bas se méfient, mais c’est sans doute imparable.

– On a fréquenté « Chez Patricia » et « Le Karibo » du mari de Josea. Délicieux. Déception au Palma Nova.

– Très bel accueil à l’orphelinat du Père Stefano malheureusement absent et que j’aurais eu plaisir à revoir.  C’est le Docteur Félicité, qui aidait Honorette il ya quelques années, qui nous a reçus open-bar avec le sourire.

– Début de la saison des pluies en décembre. Chaud et humide mais pas insupportable. Quand même pas mal de moustiques.

– La gouvernance de la Clinique est dans une phase transitoire après le départ du Père Stefano, replié sur l’orphelinat. Il semble y avoir une certaine opposition entre l’évêché et la communauté des capucins. Jéromine dirige le comité provisoire : ça va s’arranger !

– Excellente ambiance au pot d’au-revoir du vendredi soir regroupant tous ceux qui nous ont aidés. On a eu droit à plusieurs très belles chansons malgaches, une chanson espagnole, des cadeaux, et on a contribué à faire venir la pluie avec « A la Claire Fontaine », « La Ferme à Mathurin » et un solide Ban Bourguignon.

 

Voilà, voilà comme dit quelqu’un qu’on connait bien.

Merci à Geneviève qui a beaucoup travaillé et a passé beaucoup de temps et d’énergie à enseigner l’ophtalmologie à Josea, à Martine qui nous a fait rire, le Pierre Richard de notre spécialité, à la « petite Chantal », aide opératoire hors-pair, à Honorette et Jéromine, piliers de la clinique, à tous.

Belle ambiance, belle mission.

Jean-Claude.

« Dans la ville d’Ambanja, les gens sont si sympa / Que l’on n’a qu’un désir, pouvoir y revenir »